Le film du jour : La 317ème section

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Coincée entre la Seconde Guerre Mondiale et la Guerre d’Algérie, la guerre d’Indochine fait figure de grande oubliée des guerres menées par la France au XXème siècle. Possession coloniale trop éloignée de la métropole, en comparaison des pays du Maghreb, le conflit ne passionne que peu, tant à l’époque qu’aujourd’hui. Les français, éprouvés par une guerre de 6 ans qui avait vu la moitié de leur territoire occupé, ne s’intéressaient pas à cette guerre qui leur semblait bien lointaine. Et pourtant, des hommes se sont battus et sont morts pour la France, à des milliers de kilomètres de leur patrie.

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Le réalisateur, Pierre Schoendoerffer, pendant le tournage du film

C’est cette histoire trop souvent oubliée que nous vous proposons de découvrir aujourd’hui, au travers du film « La 317ème section ». Les films de guerre français ne sont pas légions, les bons encore moins, et ceux sur l’Indochine peuvent se compter sur les doigts d’une main. La 317ème section réunit tous ces critères. Sorti en 1956, le film de Pierre Schoendorffer est un vrai bon film de guerre. Engagé volontaire à 24 ans, prisonnier à Dien Bien Phu, Schoendoerffer sait de quoi il parle. Se disant éternellement lié à ses camarades de combat, la 317ème Section est pour lui un moyen de rendre hommage à ceux qui se sont battus en Indo et qui pour certains ne sont jamais revenus… Morts au combat, ou dans les camps Viet-Minh, parfois torturés par certains même de leurs « compatriotes », français communistes, notamment l’nfâme georges boudarel, commissaire politique pour le Viet-Minh et qui ne sera jamais inquiété par la justice à son retour en France. Cinéaste aux armées durant son engagement militaire, Schoendorffer tient à adapter lui-même son propre roman sorti en 1963.

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L’adjudant Willsdorf (Bruno Cremer)

Passons maintenant au scénario en lui même. 1954 : La guerre d’Indochine bat son plein. La 317ème section, composée de 41 supplétifs laotiens pour seulement 4 français est obligée d’évacuer le poste avancé qu’elle contrôle pour rallier Tsao-Tsai, située à plus de 100 kilomètres au sud. La section est commandée par le jeune sous lieutenant Torrens (Jacques Perrin), secondé par l’adjudant Willsdorf (Bruno Cremer), vétéran de la Seconde Guerre Mondiale. Dans une jungle hostile, encerclés de toute part par les viets, le voyage sera rude (c’est un euphémisme) pour les membres de la 317ème. Inutile de parler plus de l’histoire, nous laissons au lecteur le plaisir de découvrir les péripéties qui attendent les protagonistes. Nous dirons juste que c’est un film fort, qui donne un visage « humain » à la guerre, et une histoire d’amitié entre deux personnages que presque tout oppose.

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Le sous-lieutenant Torrens (Jacques Perrin)

Pourvu d’un petit budget, le film a été tourné au Cambodge dans des conditions très rudes. Schoendoerffer voulait que ses acteurs soient mis le plus possible dans l’état d’esprit des soldats de l’Indo. Et cela se ressent à merveille; écrasés par la chaleur étouffante de la jungle, par le stress permanent d’être pris pour cible par leurs ennemis, on suit avec fascination le calvaire de cette malheureuse unité. Cela donne au film un aspect très brut, à la limite du documentaire. Porté par des acteurs magistraux (Bruno Cremer, impérial), la 317ème section est sans contestation possible un des plus grands films de guerre français, si ce n’est le plus grand. Schoendoerffer recevra à ce titre le prix du meilleur scénario lors du festival de Cannes 1965, lointaine époque où des films ne parlant pas que de lesbiennes hystériques ou d’immigrés malheureux pouvaient encore être primés.

Concernant Schoendoerffer, qui nous a quitté en 2012, on pourra s’intéresser aussi à « Dien Bien Phu » (1992), son deuxième film sur l’Indochine, mais également aux excellents « L’honneur d’un capitaine » (1982), et « Le crabe tambour » (1977). Pour aller plus loin sur la guerre d’Indochine, les nombreux ouvrages d’Erwann Bergot, spécialiste de la question, permettront aux curieux d’étudier en détail la question.

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4 commentaires pour Le film du jour : La 317ème section

  1. Jacot dit :

    Bonsoir,
    Je me permets juste une petite rectification : Boudarel s’appelait Georges et non pierre.
    Merci pour ce site revigorant.
    Bien à vous.

  2. Ping : Journal du 15 septembre 2014

  3. Michaël dit :

    Venant de regarder le film, d’ailleurs enthousiasmant, je cherchais des infos complémentaires quand je ne sais quel hasard googlien (néologisme intéressant) m’amène directement à votre article. Je le lis, le trouve du reste bien écrit et fidèle, jusqu’à votre malheureuse réflexion concernant les épanchements cannois contemporains…
    Là je me dis « oups », sur quel site suis-je tombé ? Je jette un œil aux rubriques : ok, un repère soralien ou un truc dans le genre — pardon pour l’offense si je me trompe de faction, je sais qu’elles nombreuses chez vous…
    Or d’un point de vue purement didactique, en ce qui concerne les immigrés malheureux, l’indo, bref… J’aurais choisi un autre exemple pour une diatribe.
    En outre je rappelle que Willsdorf mentionne qu’il fut mobilisé du Reich comme alsacien annexé, et non comme LVF au cas où ceci échapperait à certains. Et que Schoendoerffer, bien que pas vraiment gauchiste, n’aurait pas beaucoup aimé figurer dans vos annales, comme on peut le voir ici : http://www.allocine.fr/video/video-19534789/ (Ouh la la, c’est un youpin qui l’interviewe et en plus ils ont l’air copains !)

    Bref, dommage que tout ce qui se rapporte à l’indo soit systématiquement récupéré…

    ps: mon arrière grand-père était administrateur de ce qu’on appelait à l’époque la « Cochinchine » et ça devait être en 47…

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